Conte là-dessus !
Le répertoire des conteurs regorge de trésors trop souvent méconnus. La rubrique "Conte là-dessus !" propose de vous faire découvrir des contes choisis parmi les plus chouettes, les plus sages, les plus fous, les plus féériques... Sans oublier les contes étiologiques qui vous expliqueront bien des choses sur le "pourquoi" du "comment".
Bonne lecture, pour ne pas dire bonne initiation !
L'oiseau indien
C'était dans des temps anciens, dans le lointain pays qu'on appelait autrefois la Perse. Un commerçant de Bagdad annonce à sa famille qu'il va voyager en Inde. La veille de son départ, il demande à chacun s'il souhaiterait un cadeau. Sa femme lui demande une robe. Sa fille une flûte. Son fils un arc. Mais le commerçant disposait également d'un oiseau magnifique, aux mille couleurs. Celui-ci demanda alors :
- "Et moi ? Pourrais-je avoir un cadeau ?
- Oui, naturellement.
- Je voudrais ma liberté.
- Non ce n'est pas possible. Demandes-moi autre chose.
- Alors, lorsque tu iras en Inde, tu vas traverser ma forêt natale où tu verras des oiseaux qui me ressemblent. Pourrais-tu leur annoncer à mes frères et sœurs que je vis désormais ici. Dis leur comment je vis, là où je me trouve. Dis leur que je pense à eux et que je les salue.
- D'accord. "
Et le commerçant s'en alla. Il acheta de quoi contenter sa famille. Puis il se rendit dans la-dite forêt où il vit des oiseaux qui ressemblaient au sien. Il les interpella :
- "Bonjour. Je viens de Bagdad. J'ai dans ma maison un oiseau qui vous ressemble. Il vit chez moi dans sa cage. Il dispose de tout. Il va bien. Il pense à vous et vous salue."
Soudain, un oiseau se met à trembler et tombe par terre du haut de l'arbre. Comme mort. Le marchand se dit que cela devait être le choc de la nouvelle. Puis, il rentra chez lui. Il distribua ses cadeaux. Le perroquet lui demanda :
- "Et moi ? As-tu transmis mon message ?
- Oui mais je suis désolé, commença à se lamenter le marchand
- Que s'est-il passé ? Insista l'oiseau. D'où te vient ce chagrin ?
- Eh bien, quand j'ai transmis ton message, l'un des oiseaux qui te ressemble s'est mis à trembler et il est subitement tombé à terre sans vie. Je suis désolé. Je pense que c'est la terrible nouvelle qui lui a fait cela."
A cet instant, l'oiseau se mit à trembler à son tour et tomba inanimé dans sa cage. Le commerçant s'écria :
- "Oh nooon ! Ô mon ami ! Que s'est-il passé ? Et il se lamenta longuement."
Il prit l'oiseau entre ses mains et s'en alla dans le jardin pour l'enterrer. Alors qu'il venait de sortir, "pffrrt", l'oiseau s'envola soudain sur une branche. Etonné, le commerçant lui demanda :
- "Que fais-tu ? Pourquoi cette comédie ? Reviens dans ta cage.
- Non ! Cet oiseau que tu as vu en Inde m'a montré comment sortir de ma prison. Par son exemple, il m'a indiqué le chemin. Le chemin vers la liberté..."
Biblio : Un conte de Jalâleddin Mowlavi Rûmi, une figure du soufisme.
La question
Doffou Séringué était un grand sage adulé par tout son village. Poulo Kangado était connu pour poser des questions embarrassantes auxquelles personne n’arrivait à répondre. Un soir, il vint trouver le vieux Doffou Séringué :
- « Une énigme me tourmente, vénérable maître… »
Il se pencha vers le foyer, saisit entre ses doigts une braise aussi rouge que le soleil couchant et la lança dans une cruche d’eau fraîche. Il reprit :
- « Vénérable maître, je voudrais savoir qui de l’eau ou de la braise a fait ce « Tchouff » que nous venons d’entendre.
- Cela mérite réflexion. » Répondit Doffou Séringué.
La nuit tomba. La lune apparut dans le ciel, puis les étoiles. Longtemps le vieux sage resta obstinément immobile et muet. Poulo Kangado allait s’assoupir quand soudain Doffou Séringué releva le front et, avec l’œil vif et la mine enjouée, il dit :
- « Poulo Kangado, mon fils, je viens de trouver qui de la braise ou de l’eau a fait ce sifflement qui tourmente ton esprit. Mais avant que je ne te l’apprenne tu dois d’abord répondre à une question. »
D’un élan tout à coup débridé, il fit claquer une gifle sonore sur la joue de Poulo Kangado. Puis, malicieux, le vieux sage demanda :
- « Qui, de ma main ou de ta joue, a fait ce « kak » que nous venons d’entendre ? »
Poulo Kangado resta un moment ébahi, puis il ouvrit la bouche et dit :
- « Cela mérite réflexion, vénérable maître. »
Et il s’en fut dans la nuit interroger les étoiles.
Biblio : Contes d'Afrique par Henri Gougaud
La moitié du bébé
Nasreddine et sa femme avaient un bébé qui pleurait souvent la nuit. La mère passait son temps assise à côté de lui, à le bercer pour le calmer et l'endormir. Un soir, épuisée, elle dit à son mari :
- "Lève-toi et berce un peu l'enfant. Il ne faut pas oublier qu'il nous appartient à tous les deux, moitié-moitié.
- Eh bien, va bercer la moitié qui t'appartient et laisse la mienne pleurer, lui répondit-il, en enfouissant la tête sous la couverture."
Biblio : Sagesses et malices de Nasreddine, le fou qui était sage. Jihad Darwiche & David B.
La cruche félée
Un vendeur d’eau se rend chaque matin à la rivière, remplit ses deux cruches et repart vers la ville distribuer l’eau à ses clients. Fissurée, une des cruches perd son eau. La pauvre déprime et se sent inférieure.
Un matin elle décide de se confier à son patron :
"Tu sais, je suis consciente de mes limites. Tu perds de l’argent à cause de moi, car je suis à moitié vide quand j’arrive en ville. Pardonne mes faiblesses".
Le lendemain, en route vers la rivière, le patron interpelle sa cruche fissurée :
" Regarde sur le bord de la route ! C’est joli et plein de fleurs ! C’est grâce à toi. C’est toi qui, chaque matin, arroses le bas-côté de la route. J’ai acheté un paquet de graines de fleurs et je les ai semées le long du chemin. Et toi sans le savoir et sans le vouloir, tu les arroses chaque jour…"
L'Eternité
Un homme demande à Dieu :
- Pour toi, Dieu, l'éternité cela dure une seconde ?
- Oui mon fils !
-Et un milliard de dollars ce n'est même pas un centime ?
- C'est vrai mon fils !
- Alors, est-ce que tu pourrais me donner cent millions ?
- Bien sûr mon fils, attends une seconde !
Biblio : Pépito Mateo, Le Conteur et L'Imaginaire.